Laisser place aux larmes – même pour nos crocodiles

par Karolann & Krysta

larmes des enfants
L’été est bel et bien là. Jeudi dernier, il a fait si chaud. Ce soir-là, on a reçu des amis pour souper. Et puis, après le souper, on a fait un feu improvisé. Des soirées d’été comme on les aime!

Tous heureux, on se dirige vers l’extérieur et mon mari dit à voix haute (assez fort pour que les petites oreilles de ma plus jeune entendent) «Oh, des guimauves, ça serait bon sur le feu!» et bien sûr que les filles nous ont ensuite rejoint à la course dans la cour en chantant «Miam, miam, oui des guimauves».

À l’intérieur de moi, j’espérais secrètement que l’on aurait effectivement des guimauves dans nos armoires, mais papa sort de la maison et annonce que finalement non, on n’en a pas. Au prochain feu, c’est certain qu’on allait s’assurer d’en acheter.

Ma plus vieille s’est adaptée rapidement. Elle m’a dit «Oh! J’aurais tellement aimé en avoir» d’un ton déçu et avec une petite larme à l’œil. Quand nos enfants expriment leur déception de cette façon-là, c’est toujours plus facile, mais bien sûr que ça ne se passe pas toujours ainsi.

En effet, pour ma plus jeune, ça s’est passé autrement. Elle a commencé à pleurnicher «ohhhh… ohhhh». Un peu comme si elle pleurait, mais pas complètement. 

En tant que parent, je comprends ce qui se passe : ma fille est remuée par la frustration puisque les choses ne vont pas comme elle aurait voulu (elle aurait vraiment voulu des guimauves!).

En tant que professionnelle, je sais que toute émotion cherche à être exprimée. La frustration cherche une porte de sortie. À défaut de ne pas pouvoir changer une situation (ici, pour ma fille, c’était de faire apparaître des guimauves), nos enfants peuvent soit ressentir leur déception OU ressentir une énergie de colère, de chignage ou d’attaque.

À ce moment-là, j’ai compris que ma petite était frustrée et qu’elle pleurnichait parce qu’elle n’avait pas réussi à se sentir déçue face à notre limite. Notre limite étant que, non, on n’allait pas courir à l’épicerie pour chercher des guimauves ce soir. Ainsi, si je voulais aider mon enfant à sortir de son agressivité ou de son chignage, je devais l’aider à trouver sa déception.

Mais la déception, elle, est un sentiment vulnérable. Pour exprimer nos sentiments les plus vulnérables, nous devons avoir un safe place, un espace d’accueil sécuritaire, pour le faire.

Cette soirée-là, alors que ma petite continuait de chigner, je souhaitais me rapprocher d’elle pour l’aider à ressentir sa tristesse, sa vraie tristesse face à la réalité de ne pas pouvoir avoir ce qu’elle veut. En d’autres mots, je voulais activer son adaptation. 

Juste avant que je puisse faire mon intervention en ce sens, notre invité (quoique bien intentionné) a pris la parole en disant «Ben non voyons, je ne vois pas de vraie tristesse moi. Je pense que tu veux manipuler tes parents… Moi je vois des larmes de crocodile.» 

Au lieu de se sentir triste et vulnérable, j’ai vu ma fille se protéger rapidement : ses défenses bien activées, elle se retire, elle fuit la proximité, elle fuit la vulnérabilité nécessaire pour l’amener réellement vers l’adaptation souhaitée. 

C’est plus simple qu’on ne le pense : ce qu’on voit détermine ce qu’on fait. 

Si l’on voit des larmes de crocodile, si on voit les pleurs de nos enfants tel de la manipulation, on va intervenir en ce sens pour arrêter la manipulation. 

Si on voit plutôt la frustration et les pleurs non complétés, on va faire de notre possible pour créer un environnement sécuritaire en protégeant l’intégrité de nos enfants pour qu’ils trouvent leurs vraies larmes leur permettant ainsi de s’adapter, de grandir et s’épanouir au mieux. 

En tant que parent, bien sûr que ça peut être difficile et épuisant parfois de naviguer au travers de ces situations banales qui remuent beaucoup nos enfants. Par moment, ça peut être bien frustrant aussi. Mais, en même temps, ce que notre enfant vit est bel et bien réel et un concept-clé demeure que chaque personne a un profond besoin de se sentir vu et entendu.

Choisissons de voir et d’accueillir notre enfant tel qu’il est et se présente.

 

Karolann Robinson, D.Psy.

Krysta Letto, M.Sc.

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1 Commentaire

  1. Wow ça me parle beaucoup! Ça porte à réflexion, mais je me questionne sur comment on rattrape le commentaire d’une personne de l’entourage qui ferme notre enfant quand ça arrive comme dans cet exemple.

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